Est-il mort, comme les autorités algériennes l'ont annoncé à plusieurs reprises, la dernière fois en juin 2004 ? C'est peu probable. Aussi longtemps que des photos du cadavre d'Abdelmalek Droukdal n'auront pas été montrées, on pourra tenir pour infondées les rumeurs de son décès lors d'un affrontement avec les forces de sécurité algériennes. C'est en tout cas la position de Matthieu Guidère, enseignant à l'université de Genève et spécialiste d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Cet agrégé d'arabe consacre plusieurs pages au dirigeant de la "franchise" du mouvement d'Oussama Ben Laden au Maghreb, dans son ouvrage Al-Qaida à la conquête du Maghreb (éd. du Rocher, 2007).
Droukdal est né le 20 avril 1970 dans le village de Zayan, non loin de Blida, à une cinquantaine de kilomètres d'Alger. C'est un élève sans histoire, qui obtient son baccalauréat en 1989. Il s'oriente ensuite vers des études d'ingénieur à l'université de Blida. On est au début des années 1990. C'est le moment où le Front islamique de salut (FIS) se voit voler la victoire aux élections législatives par l'armée algérienne et entre en confrontation directe avec le pouvoir. Une guerre civile meurtrière va déchirer l'Algérie pendant dix ans. Comme beaucoup de ses compatriotes, Droukdal sympathise avec le FIS. Il intègre le mouvement en 1992, rejoint le maquis un an plus tard, et entre en clandestinité en 1993, dans les rangs des Groupes islamiques armés (GIA). Il a 23 ans.
On lui confie la mission de fabriquer des explosifs. Il devient "chef des ateliers de production militaire" d'un important bataillon. Petit à petit, il grimpe les échelons du mouvement, est nommé chef de section, puis de zone. Il rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) lors de sa création en 1998 par Hassan Hattab, et entre au "conseil des chefs" trois ans plus tard.
En 2003, Hattab est écarté de la direction du GSPC pour divergence de vues avec ses compagnons. Il est remplacé par Abou Ibrahim, alias Nabil Sahraoui. Un an plus tard, à l'été 2004, Abou Ibrahim est abattu par l'armée algérienne et Droukdal lui succède.
Il choisit un nom de guerre significatif de son engagement dans le djihad : Abou MoussabAbd Al-Wadoud, du nom du fameux chef d'Al-Qaida en Irak, Zarkaoui, tué près de Bagdad en 2006, et de celui d'un compagnon du prophète Mahomet.
Droukdal envoie des Algériens combattre en Irak - environ 200 - et porte la lutte en dehors de l'Algérie, sans cesser de combattre le régime en place à Alger. En juin et juillet 2005, il mène une opération militaire en Mauritanie. Six mois plus tard, il obtient la garantie d'Al-Qaida de pouvoir intégrer le mouvement d'Oussama Ben Laden sous certaines conditions. Il passe l'année suivante à réformer le GSPC. Le 11 septembre 2006, Ayman Al-Zawahiri annonce l'allégeance du GSPC. En janvier 2007, Ben Laden ordonne le changement de nom du GSPC. Celui-ci se transforme en Al-Qaida au pays du Maghreb islamique. Abou Moussab Abd Al-Wadoud, alias Droukdal, commence à signer ses communiqués du titre d'émir d'Al-Qaida au pays du Maghreb islamique, que la presse, par commodité, raccourcira en Al-Qaida au Maghreb islamique.