jeudi 26 novembre 2009

Mauritanie : la boîte de Pandore

Jeune Afrique | Marianne Meunier

Sid’El Moctar Ould Nagi, ex-gouverneur de la Banque centrale de MauritanieSid’El Moctar Ould Nagi, ex-gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie© DR

L’ancien gouverneur de la Banque centrale mis en examen pour détournement de fonds. Une arrestation qui pourrait en annoncer d’autres.

Le 19 novembre, un ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) a été écroué à la prison de Nouakchott. Huit jours auparavant, il avait été arrêté par la Brigade de répression des crimes économiques. Sid’El Moctar Ould Nagi est soupçonné d’avoir procédé à des virements illicites à l’époque où il dirigeait la BCM, en 2001 et 2002. Le montant total des opérations frauduleuses s’élèverait à 12 milliards d’ouguiyas (31 millions d’euros). Plusieurs banques de la place de Nouakchott sont considérées comme les destinataires des virements. Leurs patrons ont été entendus comme témoins. Notamment Isselmou Ould Tajedine, PDG de la Banque pour le commerce et l’industrie (BCI), et Mohamed Ould Bouamatou, à la tête de la Générale de banques de Mauritanie (GBM).

Plusieurs fois ministre, ancien commissaire aux droits de l’homme, Ould Nagi appartient à l’ère Maaouiya Ould Taya (1984-2005), pendant le règne duquel s’est mis en place un système de corruption, de clientélisme – notamment dans l’attribution des marchés – et de détournement des deniers publics. De leur côté, les banques, adossées à des conglomérats aux contours mal définis et aux activités variées – de l’industrie à la distribution –, ont pris l’habitude de financer les campagnes électorales pour assurer leur pérennité.

Or la lutte contre la « gabegie » a constitué le leitmotiv des discours de campagne de Mohamed Ould Abdelaziz, élu président en juillet 2009. Avec lui, la Mauritanie allait rompre une fois pour toutes avec ces pratiques douteuses.

L’enquête pourrait créer un « effet domino », faisant tomber des têtes en cascade. « Chez nous, tout est dans tout, explique un observateur. Quand une affaire est économique, elle est politique en même temps. » Les investigations iront-elles jusqu’au bout ? Notre interlocuteur en doute : « S’attaquer aux banques, c’est s’attaquer au nerf de la guerre. »