lundi 20 juillet 2009

Mauritanie : un tour suffit à installer le putschiste

MANON RIVIÈRE NOUAKCHOTT, de notre correspondante

Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le 18 juillet 2009 à Nouakchott.

Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le 18 juillet 2009 à Nouakchott. (© AFP Watt Abdel Jelil)

  • Calme plat hier après-midi à Nouakchott. Paisibles, les Mauritaniens vaquaient à leurs occupations. Pas de coups de klaxons, ni de démonstration de joie ou de haine intempestive. Juste une journée de juillet comme une autre, pourrait-on dire, entre chaleur et vent de sable. Pourtant, nous étions au lendemain d’un scrutin que la presse locale qualifiait d’«historique». Un scrutin que le général Mohamed ould Abdel Aziz, l’artisan du coup d’Etat d’août dernier, a remporté haut la main. Selon les résultats proclamés hier soir par le ministère de l’Intérieur, il a obtenu 52,58 % des voix, avec une participation de 64 %.
  • «Logique». «On était sûr de gagner au premier tour ! se félicite Mahmoud, au volant de sa Toyota gris métallisée. Pendant sa campagne, Aziz a fait le plein de soutiens, c’est logique qu’il obtienne un bon score !» L’opposition en revanche affiche la mine des mauvais jours. Dès l’aube, trois candidats ont dénoncé des«manipulations à grande échelle». Côte à côte, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud ould Boulkheir (16,29 % des voix), le candidat du RFD, Ahmed ould Daddah (16,66 %), et l’ex-chef de la transition militaire de 2005, Ely ould Mohamed Vall (3,81 %), ont accusé leur adversaire, Mohamed ould Abdel Aziz, de«coup d’Etat électoral». Dans un communiqué, lu devant les journalistes à 6 heures du matin, ils ont affirmé que l’élection avait été entachée de fraudes, parlant de «falsification des listes électorales»,d’«achats des consciences», ou encore de «faux bulletins de vote».
  • Pour le moment, aucune preuve n’a été apportée pour étayer leurs propos et les 250 observateurs internationaux se sont abstenus de tout commentaire. Samedi soir, Pierre Buyoya, le chef de la mission d’observation de l’Organisation internationale de la francophonie, estimait pour sa part que «le processus électoral s’était très bien déroulé», du moins jusqu’à la fermeture des bureaux de vote. En effet, c’est peut-être lors du dépouillement que les choses ont pu se corser ici où là. Dans le bureau n°29, Daffa Adama, rompu à l’exercice de surveillance électorale, avait pris le temps d’expliquer à son équipe la bonne manière de valider le bulletin unique. «C’est seulement si l’électeur a marqué cette case blanche, que le vote est recevable!» martelait-il. Un travail pédagogique qui n’a pas été forcément fait partout. «Dans le bureau où j’étais, j’ai vu des aberrations, raconte une jeune observatrice étrangère. Le chef de bureau montrait à peine les bulletins aux autres, la représentante de la Commission électorale regardait le plafond et des bulletins nuls étaient entassés dans les piles de bulletins valables !»
  • Dépité. Hier, la presse étrangère dépêchée en Mauritanie pour l’élection semblait désemparée. «Nous n’avions pas prévu un scrutin à un tour ! Nous allons faire nos valises plus tôt que prévu»,admettait un journaliste anglo-saxon. Sur place, on s’interroge toutefois. Doit-on redouter une riposte de l’opposition ? «Si les observateurs ne disent rien et qu’il n’y a aucune preuve matérielle, il ne se passera rien du tout!» lâche, dépité, un fervent partisan d’Ahmed ould Daddah. La communauté internationale n’a pas encore pris position. Même si, en coulisses, on laisse échapper quelques commentaires mesurés. «Un second tour aurait été souhaitable pour la démocratie et aussi pour aplanir les tensions entre Mauritaniens», estimait hier un diplomate.