vendredi 5 mars 2010

Le Conseil constitutionnel rejette la loi antiterrorisme

Le Conseil constitutionnel de Mauritanie a rejeté jeudi une nouvelle loi sur le terrorisme adoptée le 5 janvier par le Parlement, en déclarant "anticonstitutionnelle" une dizaine d'articles, a appris l'AFP auprès du conseil.

"Une dizaine d'articles de cette loi qui en compte 53 ont été déclarés anticonstitutionnels et donc rejetés par le Conseil constitutionnel", a dit à l'AFP une source au conseil qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat.

Cette nouvelle loi autorisait notamment des écoutes téléphoniques et des perquisitions tardives aux domiciles de suspects.

La loi antiterroriste ne peut donc pas être promulguée par le président de la République et va être renvoyée au gouvernement.

Ces deux dernières années, des combattants islamistes de la mouvance d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont multiplié les attaques meurtrières et les enlèvements d'Occidentaux en Mauritanie.

Le gouvernement mauritanien avait introduit cette nouvelle loi antiterroriste après les rapts de trois humanitaires espagnols le 29 novembre et de deux touristes italiens en décembre sur le sol mauritanien. Ils sont toujours détenus par Aqmi dans le nord du Mali.

La nouvelle loi était contestée par l'opposition, qui avait déposé un recours devant le Conseil constitutionnel.

L'instigateur du recours, le député Boudahya Ould Mohamed Salem, a affirmé à l'AFP que la décision du conseil était "très encourageante et très importante", la qualifiant de "victoire de la loi sur les velléités attentatoires aux libertés des citoyens".

Selon lui, le recours avait été soutenu par un tiers des 95 députés, de l'opposition mais aussi de la mouvance présidentielle.

La loi rejetée "est en contradiction avec des principes fondamentaux garantis par la Constitution dont ceux de +la présomption d'innocence en l'absence d'une condamnation+ et du respect de la liberté de la personne", a souligné M. Ould Mohamed Salem.

"Elle est également dangereuse pour avoir porté la détention préventive à 4 ans et la garde-à-vue à 15 jours, tout en donnant au parquet de larges compétences face au juge du siège dont il peut outrepasser les décisions en matière de détention préventive", a-t-il affirmé.

"Toutes ces dispositions et d'autres dont notamment les écoutes téléphoniques, l'interception du courrier électronique, les perquisitions tardives aux domiciles de suspects et la possibilité de juger un mineur pour actes terroristes ont été rejetées par le conseil", a-t-il précisé.

Le président de la Coordination de l'opposition démocratique (COD) Ahmed Ould Daddah avait récemment fustigé cette loi, la présentant comme "une dérive dictatoriale (...) visant à légitimer des pratiques de violations des droits et des libertés des citoyens".

Face à ces critiques, le ministre de la Défense nationale Hamadi Ould Hamadi avait défendu son texte affirmant que les nouvelles dispositions devraient "permettre de combler les lacunes" constatées dans la loi de 2005 "qui n'a pas permis d'éradiquer ni de faire face efficacement au terrorisme".

"La nouvelle loi différencie clairement les actes terroristes des actes criminels et, de ce fait, une définition claire du terrorisme a été apportée à la nouvelle loi", avait soutenu le ministre devant les députés.