mardi 27 juillet 2010

Al Qaeda au Sahel détient aussi deux otages espagnols

Al Qaeda au Sahel détient aussi deux otages espagnols

Roque Pascual et Albert Vilalta sont encore détenus par une cellule d'AQMI, qui réclamerait une rançon et la libération d'islamistes emprisonnés en Mauritanie.

AFP PHOTO/HO/SITE Intelligence Group

Marie Simon

Après le raid mauritanien mené contre Al Qaeda au Maghreb islamique et la mort de Michel Germaneau, Madrid a les yeux rivés sur le Sahel.

L'Espagne a condamné "de la façon la plus ferme" l'assassinat de Michel Germaneau, tué par Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) ce samedi, à la suite d'un raid mauritanien appuyé par des forces françaises. Mais, même si le ministère espagnol des Affaires étrangères a apporté son "appui entier" à la France dans cette affaire, la solidarité de Madrid avec la stratégie française pourrait s'effriter si elle venait à nuire aux intérêts espagnols. Car, alors qu'AQMI prétend avoir assassiné son otage français pour "venger" sept de ses membres tués lors de ce raid, Madrid s'inquiète pour deux de ses ressortissants.

Albert Vilalta et Roque Pascual, des travailleurs humanitaires de l'association catalane Accio Solidaria, avaient été enlevés fin novembre 2009 par un homme que le quotidien ABC présente comme un "mercenaire d'Al Qaeda", avant d'être remis à AQMI. Ils se trouvent toujours aux mains de la katiba de Mokhtar Belmokhtar, quelque part dans l'immensité du Sahel.

Deux katibas, un motif d'espoir pour les Espagnols

Ils "vont bien", d'après les dernières informations reçues par le gouvernement Zapatero. Mais leur ONG craint le pire pour eux. "Non seulement, la réaction de ces gens est imprévisible. Mais l'opération militaire est aussi une action problématique qui pourrait obstruer les négociations" menées par l'Espagne (lire l'encadré), a expliqué son directeur, Francesc Osan, au quotidien El Mundo.

Un précédent heureux

Al Qaeda au Sahel détient aussi deux otages espagnols

REUTERS/Albert Gea

Alicia Gamez, leur collaboratrice, a été libérée.

Le travail de l'ombre effectué par Madrid avait abouti dans le cas d'une collaboratrice de la même ONG, Alicia Gamez, enlevée au même moment et libérée en mars dernier. A l'époque, le gouvernement avait nié avoir payé une rançon alors que, selonEl Mundo, 2 millions de dollars auraient été versés.

La presse espagnole, commeEl Pais, souligne cependant une différence de poids entre Michel Germaneau et les deux otages catalans. Le Français était détenu par une autre katiba, celle d'Abou Zeid, décrite comme "plus ambitieuse géographiquement, et encore plus expéditive dans ses méthodes", par Jean-Pierre Filiu, spécialiste d'Al Qaeda dans un entretien accordé à LEXPRESS.fr en fin de semaine dernière.

Ce groupe, d'après les autorités françaises, avait fixé un ultimatum à la France mais n'a jamais fait état de demandes précises permettant d'"échanger" Michel Germaneau. Dans le cas de Albert Vilalta et Roque Pascual, en revanche, la katiba de Mokhtar Belmokhtar "n'a fixé aucun ultimatum à l'Espagne, et exige une rançon et la libération de plusieurs prisonniers islamistes détenus par la Mauritanie", précise El Pais.

Cette dernière demande se heurte au refus de Nouakchott, pour le moment, ajoute ABC. Selon ce quotidien, la décision de la justice mauritanienne de condamner à 12 ans de prison le "mercenaire" qui avaient enlevé les trois Espagnols, une peine considérée comme légèrepar la presse espagnole, pourrait "faciliter les négociations pour libérer les deux otages".

Tensions franco-espagnoles

Autre aspect du problème: avant le raid de jeudi, rappelle El Pais, Madrid avait été "informée" des intentions françaises mais "pas consultée". Ce qui avait rallumé les tensions franco-espagnoles, déjà créées par le cas Pierre Camatte, fin février: "avant qu'un accord se dessine grâce à l'intervention d'intermédiaires, Paris prévoyait une opération militaire dont l'Espagne avait entendu parler par hasard."

Cette fois, l'Espagne prend les devants, alors que Nicolas Sarkozy a officiellement annoncé des représailles à l'égard d'AQMI ce lundi. "Si ce châtiment intervient avant que Vilalta et Pascual soient libérés, écrit El Pais, le gouvernement espagnol compte être averti en amont et obtenir la garantie que la zone où se trouverait Belmokhtar soit évitée". Afin de ne pas voir ses discrets efforts réduits à néant.

lexpress.fr