mardi 27 juillet 2010

En Afrique aussi, la mort de l'otage français Michel Germaneau soulève bien des questions


Michel Germaneau.
Michel Germaneau.
Reuters/Mairie de Marcoussis

Après la confirmation ce lundi 26 juillet 2010 par les autorités françaises de la mort de l'otage d'AQMI, Michel Germaneau, beaucoup de questions restent en suspens. On s'interroge notamment pour savoir si on a la certitude que Michel Germaneau a été tué en représailles du raid mené jeudi matin, 22 juillet, officiellement par la Mauritanie avec le soutien logistique de la France.

Avec notre correspondant à Bamako, Serge Daniel

L’otage Michel Germaneau a été assassiné sans aucun doute en représailles du raid de jeudi matin. D’ailleurs, le président Nicolas Sarkozy, a parlé « d’assassinat ». Cela veut dire que Michel Germaneau n’est pas mort d’une mort naturelle.

Alors que les langues se délient de plus en plus, on sait un peu mieux ce qui s'est passé. Dès le départ, il s’agissait d’une opération pour libérer le Français mais lorsque les équipes constituant le raid franco-mauritanien sont arrivées sur les lieux, Michel Germaneau n’était plus là. En fait, il semble que le Français ait effectivement transité par ce camp mais que quelques jours avant ou même quelques heures avant, il ait été déplacé. Il faut savoir en effet que les islamistes bougent beaucoup dans le Sahel et c’est pour cela qu’il faut éviter de dire « ils sont ici au Mali ou encore ils sont en Algérie ou en Mauritanie »... En tout cas, pour cette raison ou une autre, l’opération a échoué.

La France et la Mauritanie avaient chacune sa propre motivation pour mener ce raid qui a pris la forme d'un Y. D’un côté, les Français avaient pour principale motivation la libération de Michel Germaneau ; c’est eux qui pilotaient d’ailleurs l’opération, les soldats mauritaniens étaient à côté des Français. Au même moment, les Mauritaniens tiraient leur épingle du jeu en espérant ainsi prévenir une attaque d'AQMI (al-Qaïda au Maghreb islamique) en les attaquant avec les Français.

Alain Antil

Responsable du programme Afrique sub-saharienne de l’IFRI

L’objectif de cette opération (le raid franco-mauritanien du 22 juillet, ndlr) n’était pas, initialement, la libération de l’otage.


On peut aussi se demander comment il se fait que les Mauritaniens aient déclenché ce raid au lendemain du procès des ravisseurs des trois humanitaires espagnols, enlevés en novembre dernier en Mauritanie. Un procès à rebondissements qui a finalement débouché sur un verdict clément contre AQMI. Certains ont même pensé que ce verdict pourrait être le reflet d’une tractation entre AQMI et Nouakchott... Mais en vérité, le procès et le verdict de Nouakchott ne se rapportaient qu'aux seuls otages espagnols, d'ailleurs détenus par un autre chef d’AQMI dans la zone, du nom de Mokhtar Benmokhtar.

Cela permet d’ailleurs de faire le point sur les différents chefs d'AQMI présents dans cette zone, le Maghreb qui tutoie ici le Sahel. Il y a d'abord Mokhtar Benmokhtar qui détient donc les otages espagnols ; ensuite Abdelhamid Abou Zeid, le plus radical de tous qui détenait le Français Michel Germaneau. Deux autres chefs dépendent d’Abou Zeïd, Ibrahim Taled celui qui a enlevé Michel Germaneau et enfin, Abou Yahia Hamane qui est le chef des opérations d'Abou Zeid.

Condamnation unanime au sommet de l'Union africaine à Kampala

Avec notre envoyé spécial à Kampala, Christophe Boisbouvier

A Kampala, tout le monde est solidaire de la France car ce sont aussi des terroristes d’al-Qaïda qui ont frappé Kampala le 11 juillet 2010 et causé la mort de soixante-quatorze personnes, c’est le dernier bilan.

Ce matin, lors d’un mini-sommet sur la Somalie, plusieurs diplomates africains sont venus voir le directeur Afrique du Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères, Stéphane Gompertz, pour lui présenter leurs condoléances.

Un délégué maghrébin nous a dit : « Arrêtez, vous, les journalistes, de dire que cet otage français a été exécuté en représailles à l’opération militaire de jeudi dernier. D’abord, vous n’êtes pas certains qu’à cette date, ce malheureux Michel Germaneau était encore vivant. Ensuite, vous êtes en train de rationaliser le comportement de gens qui ne sont que des criminels ou des chasseurs de rançons ».

A Kampala, la ligne rouge c’est « on ne négocie pas avec les terroristes d’al-Qaïda qu’ils viennent de Somalie ou du Maghreb ».

Par ailleurs, les commentaires sont nombreux parmi les trois délégations africaines les plus concernées par ce dénouement tragique : celle du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie. Et chez certains diplomates de Mauritanie ou d’Algérie, une question revient sans cesse : « Est-ce que le Mali en fait assez contre le terrorisme ? ».