mardi 27 juillet 2010

Les circonstances de la mort de Michel Germaneau restent mal connues


Michel Germaneau en 2007.
AFP/ENMINAL
Michel Germaneau en 2007.

Comment Michel Germaneau est-il mort ? Et quand est-il est mort ? Juste après l'annonce de l'exécution du retraité français de 78 ans par Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), puis la confirmation de sa mort par Nicolas Sarkozy lundi, "toutes les hypothèses sont sur la table"assurent les sources gouvernementales françaises mardi 27 juillet.

"Nous n'avons aucune raison de penser qu'il n'est pas mort, mais sur le calendrier, le lieu et les circonstances, nous ne disposons pas de certitudes à 100 %" indique-t-on au ministère de la défense.

Questionné mardi matin par Europe 1 sur le fait de savoir si l'otage "était déjà mort avant le raid" militaire franco-mauritanien censé le libérer au matin du 22 juillet au Mali, le premier ministre François Fillon a indiqué : "Je ne peux pas répondre à cette question."

Depuis Bamako au Mali, où Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, poursuivait une visite des Etats du Sahel impliqués dans la lutte contre AQMI, des sources évoquent une disparition de l'otage dans une des principales bases de l'organisation terroriste au nord du pays.

Un intermédiaire malien dans les négociations d'otages dans la région, cité par l'AFP, a affirmé que M. Germaneau, enlevé le 19 avril au Niger, puis détenu au Mali, avait été tué après le raid, comme le message de revendication l'a affirmé. D'autres sources maliennes sont sur cette ligne. Les hautes autorités maliennes ont été averties très tardivement par la France de l'opération : elles n'en ont connu le principe que mardi 20 juillet. Puis le matin même de l'opération, M. Sarkozy a appelé le président Touré, mais celui-ci n'a pu être joint immédiatement car il se trouvait au Tchad.

Les Maliens, à qui il est reproché de combattre trop mollement les terroristes et de composer avec eux, sont soucieux de démontrer à leurs voisins qu'ils maîtrisent les relations avec les chefs d'AQMI retranchés dans le nord du pays ainsi qu'avec les Touaregs qui les appuient.

Le président mauritanien Abdel Aziz a pour sa part indiqué, lors des ses entretiens avec M. Kouchner lundi à Nouakchott, qu'il estimait que M. Germaneau "était condamné" car, aux prises avec le groupe d'Abou Zeïd, un émir brutal qui refusait toute négociation. Et "s'il a été exécuté, il l'a été loin" de la base logistique où la France pensait le trouver le 22 juillet, a-t-il indiqué.

Cette affirmation procède aussi d'une déduction logique : en effet, cette base avancée se situe à 150 km de la frontière mauritanienne, mais AQMI concentre ses forces dans des campements au nord Mali, en zone touareg.

UN ULTIMATUM "ANORMAL" ET "ÉTRANGE"

Les renseignements français évoquent aussi une mort loin de la zone de l'attaque militaire du 22 juillet, dans un de ces campements, peut-être celui tenu par l'un des rares émirs maliens d'AQMI, en zone d'influence des tribus zifora, mais sans exclure que cet assassinat ait eu lieu plusieurs semaines plus tôt.

Parmi les hypothèses, il se peut aussi que M. Germaneau, très malade du coeur, en rupture de médicaments, souvent déplacé, n'ait pas sur vécu aux conditions extrêmement rudes du désert. S'il a succombé ainsi, privé de soins, reste là encore à savoir quand. Les autorités françaises n'excluent pas que le montage vidéo diffusé par AQMI, le 14 mai, montrant M. Germaneau soit une manipulation, tout comme l'ultimatum adressé à la France le 11 juillet qualifié par M. Fillon d'"anormal" et d'"étrange".

Une chose risque de lever les ambigüités : une vidéo de l'exécution de l'otage. Paris s'attendait à une telle diffusion mardi. Les ravisseurs du Britannique Edwin Dyer, dont l'exécution avait été annoncée par le groupe d'Abou Zeïd en février 2009, n'avait pas réalisé de vidéo. Mais le retentissement de l'affaire Germaneau est plus grand, analyse le gouvernement français, et les terroristes y ont davantage intérêt. De telles images macabres pourraient elles aussi de relever d'une mise en scène, n'excluent pas les sources militaires. La guerre de la communication entre Al-Qaida et les Occidentaux est de celles qui n'ont pas de victoire définitive.

Nathalie Guibert | Niamey - Envoyée spéciale