mardi 27 juillet 2010

"Le terrorisme fonctionne grâce au piège de l'émotion"

"Le terrorisme fonctionne grâce au piège de l'émotion"

Michel Germaneau, tué par l'AQMI, sur une capture de la télévision Al Jazeera le 26 juillet 2010.

Reuters

Christian Makarian

Après l'assassinat de l'otage français Michel Germaneau, l'heure est à la réflexion. Comment défendre les intérêts des ressortissants français sans jouer le jeu d'Al-Qaeda?

L'assassinat de Michel Germaneau au Mali ne peut que susciter une profonde indignation. C'est dans ce but qu'il a été perpétré, pour frapper les esprits, inspirer la frayeur et obliger le chef de l'Etat à évoquer publiquement le coup porté à la France par l'adversaire. Mais, tout en dénonçant un "acte barbare et odieux", Nicolas Sarkozy, qui a fait de la libération des otages le fer de lance de son mandat, sait que ce langage est inopérant sur des groupes aussi déterminés que la branche sahélienne d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI).

En matière de terrorisme, le piège de l'émotion s'ouvre sous les pieds des démocraties suivant une logique inversée: plus s'exprime notre légitime sentiment de révolte, plus apparaissent nos limites face à un ennemi invisible; plus s'affirme notre détermination à défendre nos ressortissants, plus nous avançons sur le terrain choisi par l'adversaire. Tant il est vrai que la sauvagerie des djihadistes s'exerce en priorité au détriment des acteurs du dialogue entre les civilisations: Michel Germaneau était un passionné de l'Afrique, avant tout soucieux d'aider les populations locales et d'être utile à l'échelle humaine. Le pire ennemi de la barbarie, somme toute.

La collaboration entre Etats concernés, seule issue possible

C'est ainsi que AQMI mène son combat, entièrement et furieusement dirigé contre les pays occidentaux - en particulier, la France. Le dessein de cette organisation n'est pas de libérer ou de conquérir un territoire national ou régional ni de prendre le pouvoir dans une des capitales de l'islam. Il est de se tailler un sanctuaire anonyme, une vaste zone grise(en l'occurrence aussi grande que l'Hexagone), réputée impénétrable, où s'arrête la loi des Etats et où ne règne que la sienne. Une zone dans laquelle AQMI, à coups d'enlèvements, espère attirer la France (comme la Grande-Bretagne, l'Espagne ou tout pays occidental), à défaut de pouvoir l'atteindre sur son propre sol.

Sauf à négocier discrètement à la manière des Espagnols (ce que ni Alger ni Nouakchott ne pardonneraient aux Français), Paris n'a d'autre choix que d'aider à déloger l'adversaire en collaborant étroitement avec les pays africains concernés. Or ces derniers, en tout cas l'Algérie comme la Mauritanie, sont partisans d'une fermeté totale, ce qui compromet à son tour la sécurité des otages. Terrible cercle vicieux qui conditionne toute l'influence de la France, du Maghreb au Sahel.

lexpress.fr