lundi 11 janvier 2010

Les érudits religieux de Mauritanie appellent à la tolérance et au dialogue

Les salafistes emprisonnés ont été si impressionnés par un colloque qui s'est tenu la semaine dernière dans la capitale mauritanienne sur la religion qu'ils ont enregistré les interventions à la radio.

Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud pour Magharebia à Nouakchott – 11/01/10

[Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud] Les participants à un colloque organisé la semaine dernière à Nouakchott se sont intéressés à réparer les dommages sociaux et religieux causés par le fanatisme.

Un récent colloque qui a rassemblé à Nouakchott les principaux intellectuels religieux de Mauritanie a suscité de nombreuses réactions, y compris parmi les détenus purgeant des peines de prison pour leurs croyances et leurs agissements extrémistes.

Ce colloque de quatre jours placé sous le thème "Islam et dilemme de la tolérance et du fanatisme dans la compréhension et les comportements" s'est terminé le 8 janvier sur les recommandations des participants, notamment "la tenue d'un dialogue avec les extrémistes et l'acceptation de la repentance".

"Nous avons suivi les [interventions] faites lors de ce colloque à la radio", a déclaré le leader salafiste emprisonné Mohammed Sheikh Ould Mohammed dans une déclaration à la presse publiée après cette conférence. "Par souci des affaires des Musulmans, nous avons décidé qu'un évènement de cette taille ne pouvait se dérouler sans que nous ne nous intéressions pour marquer l'extrême importance de cette réunion".

Ce colloque "a été renforcé par la présence distinguée d'érudits de premier plan, d'imams et de penseurs, pour réfléchir aux questions les plus sérieuses qui se posent aujourd'hui à notre nation", a déclaré ce détenu, qui a qualifié le discours sur la modération de "intéressant, notamment au vu de la clarté des textes de la charia qui montrent que [l'Islam] est fondé sur la modération et la tolérance en toute chose".

Mohammed Ould Mustaf, spécialiste du salafisme en Mauritanie, a expliqué à Magharebia que cet évènement, le premier de ce type, "était organisé juste au bon moment".

"Je n'ai pas été surpris d'entendre des voix de soutien provenant du mouvement salafiste mauritanien en prison", a-t-il expliqué. "J'ai rencontré de nombreux jeunes qui ont été influencés par le discours religieux modéré présenté par les imams et les intellectuels qui participaient à ce colloque", a ajouté Mustaf, qui s'attend à une révision idéologique de la part des participants. "Ces jeunes hommes ont enregistré les différentes interventions en utilisant leurs téléphones cellulaires pour en conserver une trace pour l'avenir."

Le rapport final de ce colloque s'est centré sur les dégâts sociaux et religieux causés par l'extrémisme et le fanatisme, notamment le "takfir d'autres Musulmans basé sur l'ijtihad personnel de ceux qui ne possèdent pas les qualifications nécessaires pour l'ijtihad... la défiance envers les autres... le rejet de 'l'autre', la remise en question des intellectuels, l'auto-destruction... et d'autres dommages encore".

Ce rapport, qui met en garde contre le fait d'adopter les fatwas des extrémistes, affirme également que "les symptômes du fanatisme et de l'extrémisme" tendent à devenir "introversion et isolement, puis... indignation et haine de la société, qui se transforment rapidement en actes violents".

Le Premier ministre mauritanien Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, qui participait à la cérémonie de clôture, a remercié les participants pour leurs efforts visant à "éclairer l'opinion publique, expliquer la vérité et exposer les mensonges".

"Le consensus entre érudits et intellectuels pour condamner l'extrémisme, le fanatisme, le militantisme et le terrorisme, quelles que soient leurs visions et orientations diverses... est la meilleure preuve que notre religion islamique correcte, avec ses différentes écoles et ses différentes approches, est la religion de la tolérance, de l'encouragement, de la coopération et du conseil", a-t-il ajouté."[L'Islam], qui se répand dans toutes les régions du monde avec de bonnes paroles, de bons agissements et de bons exemples, est aujourd'hui soumis à la plus grande fitna et au plus grand mensonge, qui affirme qu'il est une religion de violence et la voie de l'extrémisme et du militantisme", a-t-il déclaré.

Les autres recommandations émanant de ce colloque ont été "l'adoption d'une stratégie prudente de propagation d'une idéologie de la modération et de la tolérance... tentant d'attirer à nouveau ceux qui sympathisent avec [les extrémistes]... et le renforcement de l'identité arabo-musulmane du pays en consolidant les principes de l'enseignement islamique dans les programmes scolaires".

"Nous n'avons rien d'autre à ajouter pour expliquer la voie de la vérité, qui est la bonne voie, autrement que ce que nos grands érudits, que Dieu les protège, ont expliqué", a déclaré le leader salafiste emprisonné Ould Mohammed dans sa déclaration à la presse. "Avec les autres participants, ces grands érudits ont illuminé ce colloque."