vendredi 15 janvier 2010

Les leaders islamiques mauritaniens condamnent les mutilations génitales

Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud pour Magharebia à Nouakchott – 15/01/10

[Georges Gobet/AFP/Getty Images] Les érudits islamiques de Mauritanie ont publié une fatwa interdisant les mutations génitales dans le pays.

Trente-quatre personnalités religieuses et nationales de renom en Mauritanie ont signé cette semaine une fatwa condamnant les mutilations génitales sur les femmes, une pratique qui reste très répandue dans certaines parties du pays.

Cette fatwa, dont les auteurs se sont réunis lundi 11 et mardi 12 janvier à Nouakchott, stipule que ces mutilations "ont été avérées néfastes par les experts, sur le moment et par la suite. Une telle pratique, réalisée à domicile, est donc interdite au vu des dommages qu'elle entraîne".

Les auteurs citent le travail de l'expert en droit islamique Ibn al-Hajj pour étayer leur jugement, selon lequel "[d]e telles pratiques n'étaient pas présentes dans les pays du Maghreb au cours des derniers siècles".

Les mutilations génitales ne sont "pas une habitude instinctive, selon les Malkis ; elles ont par conséquent été abandonnées dans les régions nord et ouest du pays", ajoutent les auteurs, qui s'étaient réunis pour un colloque organisé par le Forum de la pensée islamique. Les leaders islamiques mauritaniens, l'association des oulémas et des responsables du gouvernement participaient à cette rencontre.

"Cette rencontre a été importante. De nombreuses dispositions ont été prises, car il s'agit d'un sujet sensible et vital", a déclaré le Dr. Sheikh Ould Zein Ould Imam, secrétaire général du forum et professeur de jurisprudence à l'Université de Nouakchott, à Magharebia, jeudi.

"Il ne fait aucun doute que cette fatwa luttera de manière significative [contre les mutilations], dans la mesure où elle retire le masque religieux derrière lequel s'abritaient de telles pratiques", a jouté le professeur. "Mais nous avons besoin d'une campagne dans les médias destinée à faire connaître cette fatwa, l'expliquer et éclaircir sa signification religieuse et sociale."

De nombreuses femmes que Magharebia a rencontrées jeudi dans la capitale ont applaudi au résultat de ce colloque.

"Je pense que réunir un colloque islamique à Nouakchott en cette période pour discuter [des mutilations génitales] est un pas gigantesque, parce qu'il met un terme au tabou religieux qui entourait ce phénomène", a déclaré Alia, 24 ans, une étudiante. "Utiliser la religion pour justifier le mal n'est rien d'autre que du terrorisme idéologique systématique."

"Ce colloque, que nous avons tous suivi, contribue de manière importante à contenir un danger qui menace les femmes dans un pays aussi conservateur que celui-ci", a-t-elle ajouté.

Certaines femmes ont expliqué à Magharebia que ce récent changement était attendu depuis longtemps.

"Où étaient ces imams ces dix dernières années, lorsque [les mutilations] tuaient des dizaines de filles chaque année ?", interroge l'amie d'Alia, Miriam, une ménagère de 30 ans circoncise dans son enfance. "Ces imams et les victimes de cette circoncision vivaient-ils sur des planètes différentes ? Personnellement, je n'ai pas la réponse à ces questions."

"Tout ce que j'essaie de dire, c'est que nous avions besoin il y a longtemps déjà de cette fatwa interdisant la circoncision", ajoute-t-elle. "J'ai été victime de cette coutume violente quand j'avais sept ans, et elle m'a laissé une cicatrice psychologique indélébile."

"Les mutilations sont l'une des coutumes douloureuses dont souffrent les femmes de Mauritanie, notamment à Brakna, Gorgol, Assaba et Hodh Ech Chargui, où cette pratique concerne 72 pour cent d'entre elles", a-t-il ajouté.Dans son discours d'ouverture à ce colloque, lundi, le secrétaire général du ministère des Affaires sociales, Mohamed Ould Ely Telmoudy, a déclaré qu'il était nécessaire de présenter un avis médical mutuellement partagé qui souligne les risques de ces mutilations génitales, en collaboration avec des organisations internationales comme l'UNICEF.

"Nous entendions parler, de temps à autre, de certaines fatwas individuelles interdisant la circoncision", a expliqué le sociologue Mukhtar Ould Waled à Magharebia. "Mais aujourd'hui, nous disposons d'une fatwa collective présentée par trente-quatre érudits religieux de premier plan."

"[Les mutilations génitales] sont un phénomène social dont nous devons extraire les racines religieuses", a-t-il ajouté. "Alors seulement ce phénomène sera pénétrable et destructible. Ce colloque est le signe clair que la circoncision pourra être totalement éradiquée à l'avenir."