mardi 23 février 2010

Libération de l'otage français espérée sur fond de crise diplomatique

Alain Joyandet, secrétaire d'Etat, chargé de la Coopération et de la Francophonie, s'exprime, le 19 février 2009 à Censeau

BAMAKO — La branche maghrébine d'Al-Qaïda pourrait libérer prochainement le Français qu'elle retient en otage dans le nord du Mali, après avoir obtenu de Bamako la sortie de prison d'islamistes, mais ce geste malien suscite une crise diplomatique avec l'Algérie et la Mauritanie.

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui retient au total six Européens dans le désert malien, avait menacé de tuer le Français Pierre Camatte avant le 20 février si elle n'obtenait pas la remise en liberté de ces combattants.

Dimanche soir, les quatre islamistes - deux Algériens, un Burkinabè et un Mauritanien - ont été libérés puis acheminés vers le nord du Mali. Des tractations devaient ensuite reprendre entre des responsables d'Aqmi et des négociateurs maliens, en vue d'aboutir à la libération du Français, selon une source malienne proche du dossier.

A Paris, c'est donc de nouveau l'optimisme qui prévaut quant au sort de Pierre Camatte, 61 ans, kidnappé en pleine nuit le 26 novembre 2009 dans un hôtel de Ménaka (nord-est) par des Maliens de la région qui l'auraient ensuite "vendu" à Aqmi.

Depuis, le Français serait retenu par le groupe de l'Algérien Abdelhamid Abou Zeïd, responsable de l'assassinat en juin 2009 d'un touriste britannique, l'otage Edwin Dyer, selon des sources maliennes proches du dossier

Le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, interrogé mardi au sujet de la libération des quatre islamistes, a répondu à la chaîne de télévision LCI: "C'est un premier signe après les demandes que la France a faites, j'espère que tout cela est une question d'heures et de jours".

Mais, dans les pays voisins, l'attitude du Mali a été critiquée comme une faiblesse inacceptable face au terrorisme.

Comme la Mauritanie l'avait fait lundi, l'Algérie a rappelé son ambassadeur en poste à Bamako, en signe de protestation.

Le ministère algérien des Affaires étrangères a "condamné avec force" la "décision du gouvernement malien de procéder à la libération de quatre terroristes qu'il détenait, sous le prétexte fallacieux qu'ils ont été jugés et ont purgé leur peine".

Plusieurs sources gouvernementales maliennes avaient d'abord fait savoir qu'il n'était "pas question" de libérer ces quatre hommes. Mais, la semaine dernière, la justice malienne les avait finalement condamnés pour "détention illégale d'armes de guerre", à des peines équivalentes à celles qu'ils avaient déjà purgées et ils avaient été déclarés "juridiquement libres".

La décision de Bamako de libérer "des terroristes recherchés par des pays voisins est un développement dangereux pour la sécurité et la stabilité dans la région sahélo-saharienne et sert, objectivement, les intérêts du groupe terroriste s'activant dans la région sous la bannière d'Al-Qaïda", a déclaré le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères.

En Mauritanie, le porte-parole du parti au pouvoir (Union pour la République, UPR), Saleh Ould Dehmache, a jugé que la décision malienne n'avait "pas été bien calculée", car "elle encourage et rétribue les forfaits de ces groupes hors-la-loi qui menacent la paix dans toute la région".

La Mauritanie a subi ces trois dernières années une série d'attaques meurtrières revendiquées par Aqmi. Et cinq des six otages européens détenus dans le désert malien ont été capturés sur le territoire mauritanien: trois Espagnols le 29 novembre puis un couple d'Italiens le 17 décembre.

"L'ennemi commun qui est le terrorisme frappe dans nos deux pays et je pense qu'un maximum de coordination et de concertation devait prévaloir avant toute décision de ce genre", a jugé M. Ould Dehmache.