mercredi 24 février 2010

L'otage français kidnappé au Mali libéré en échange de quatres islamistes

Pierre Camatte, l'otage français détenu depuis près de trois mois par la branche maghrébine d'Al-Qaida (AQMI), a été libéré, mardi 23 février, en début de soirée, par ses ravisseurs, près de la ville de Kidal, dans le nord du Mali. "Il se porte bien", a assuré l'un des responsables maliens chargés de négocier sa libération. M. Camatte est "en route vers Bamako, (la capitale) d'où il regagnera la France", a précisé un communiqué publié à Paris par le ministère des affaires étrangères.

Le Français, âgé de 61 ans, avait été kidnappé en pleine nuit, le 26 novembre, dans un hôtel du nord-est du Mali, par des Touaregs qui l'auraient ensuite "vendu" à des islamistes membres de l'AQMI, le même groupe qui, quelques jours auparavant, avaient enlevé trois Espagnols, travaillant pour une ONG, en Mauritanie, et toujours détenus.

Jugement expéditif

En échange de la vie sauve pour leur otage français, l'AQMI exigeait la libération de quatre islamistes incarcérés depuis plusieurs mois à Kati, non loin de Bamako, pour "détention illicite d'armes".

Parmi eux figuraient un Mauritanien et deux Algériens, Mohamed Ben Ali et Tayeb Nail, accusés par Alger d'avoir participé à des attentats sanglants dans leur pays (dont un avait visé le Palais du gouvernement en 2008). Un mandat d'extradition les concernant avait été présenté par Alger en septembre 2009 et renouvelé il y a quelques semaines.

Or, lundi, le Mali a rendu leur liberté aux quatre islamistes au terme d'un jugement expéditif. Pour l'Algérie et la Mauritanie, il ne fait guère de doute que la justice malienne a agi sous pression. La libération "sous le prétexte fallacieux qu'ils ont été jugés et qu'ils ont purgé leurs peine (au titre de la détention provisoire)viole les résolutions (...) contraignantes du Conseil de sécurité des Nations unies et les engagements bilatéraux, régionaux et internationaux de lutte contre le terrorisme", fait valoir un communiqué du ministère des affaires étrangères algérien, publié mardi.

Et d'ajouter : "La libération de terroristes recherchés par des pays voisins (...) sert objectivement les intérêts du groupe terroriste." Mardi, l'Algérie a décidé de rappeler son ambassadeur à Bamako "pour consultation". Quelques heures auparavant, la Mauritanie avait fait de même avec son représentant au Mali.

En réalité, en évoquant le "prétexte fallacieux" qui a conduit à libérer les islamistes, Alger fait référence aux pressions exercées depuis des semaines par la France sur le Mali où le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, a effectué deux visites éclair, dont l'une avec le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant.

Ces allers-retours ont porté leurs fruits et conduit les Maliens à revenir sur leur intransigeance initiale, et à accepter de libérer les islamistes quitte à s'attirer les foudres d'Alger, leur puissant voisin. "Nous étions confrontés à un problème : comment tout faire pour sauver la vie du Français", a fait valoir un conseiller du président du Mali, Amadou Toumani Touré. Pour tenter d'apaiser par avance l'Algérie, avec qui la France entretient des relations difficiles, M. Guéant avait fait le déplacement à Alger au cours du week-end.

Jean-Pierre Tuquoi