mardi 21 septembre 2010

"Guerre sainte" pour décimer Aqmi et venger 5 ans de violences

Localisation des bombardements mauritaniens au Mali contre Al-Qaïda au Maghreb islamique

Laurence BOUTREUX (AFP)

DAKAR — L'offensive de l'armée mauritanienne contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Mali a été présentée comme "une guerre sainte" contre les djihadistes qui, depuis 2005, multiplient les attaques en Mauritanie, ciblant surtout les soldats et les étrangers.

Le parti du président Mohamed Ould Abdel Aziz a appelé les Mauritaniens à soutenir leur armée dans "sa guerre sainte contre les terroristes" qui "ternissent l?image des musulmans".

"Notre armée est déterminée à prendre sa revanche" après des "attentats sanglants" depuis 2005, a dit le président de l'Union pour la République (UPR), Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine.

Selon le ministère de la Défense, cette offensive menée à l'ouest de Tombouctou, près de la frontière mauritanienne, anticipait une nouvelle attaque d'Aqmi contre l'armée mauritanienne.

Aucun lien n'a été officiellement établi avec l'affaire des sept otages - dont cinq Français - enlevés le 16 septembre au Niger et vraisemblablement retenus plutôt à l'extrême nord-est du Mali, près de la frontière algérienne.

"Cette fois-ci, c'est une vraie guerre. Les Mauritaniens ont fait des ratissages, des raids aériens et occupaient encore jusqu'à dimanche la localité d'Hassi Sidi", affirme le directeur du journal Tahalil Hebdo, Isselmou Ould Moustapha, estimant que la première action franco-mauritanienne menée le 22 juillet au Mali n'était "qu'un raid".

Alors que des sources régionales évoquent de "lourdes pertes" mauritaniennes, ce journaliste assure lui que l'offensive a "pratiquement décimé le groupe de l'Algérien Yahya Abou Hamame", un des lieutenants de l'"émir" d'Aqmi Abdelhamid Abou Zeid.

Issu de l'ex-GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), Abou Hamame est accusé d'avoir participé aux attaques de 2005 à Lemgheity (17 militaire tués) et de 2008 à Tourine, quand les corps de 11 soldats et de leur guide avaient été retrouvés décapités.

On lui attribue également la responsabilité de l'assassinat d'un Américain en 2009 à Nouakchott et des premières actions de kamikazes mauritaniens dans le pays, visant l'ambassade de France en 2009, puis une caserne à Nema en août.

La Mauritanie "n'est pas un pays à vocation guerrière" et "c'est un grand tournant pour elle d'aller combattre sur un territoire étranger", juge Mohame Fall Ould Oumère, directeur de l'hebdomadaire La Tribune joint depuis Dakar.

Ce journaliste croit voir une "double stratégie": "d'une part, le pouvoir s'efforce d'avoir des troupes un peu partout et l'armée n'attend plus qu'Aqmi vienne porter des coups mais essaie d'anticiper son action; d'autre part, il ouvre la voie au repentir des djihadistes".

Une trentaine de personnes détenues pour des affaires de terrorisme ont été récemment graciées par le président.

La Coordination de l?opposition démocratique, qui avait critiqué le raid du 22 juillet, n'a pas encore pris position.

Mais le principal parti d'opposition, dirigé par Ahmed Ould Daddah, a réaffirmé mardi son "entière solidarité" avec l'armée, tout en demandant au pouvoir de mieux informer sur ces "opérations militaires".

"Notre armée n'est pas du tout équipée et préparée", relève le directeur du quotidien Biladi, Moussa Ould Ahmed. "Mais notre pays est le seul de la région qui a eu la hardiesse de franchir une frontière pour traquer les terroristes".

"Il n'y a pas de consensus sur l'intervention mais personne ne veut critiquer l'armée pendant qu'elle est en guerre", estime-t-il. Tout juste commence-t-on "à critiquer, timidement, le commandement qui a lancé les troupes très loin de leur base arrière", dit-il, le bilan officiel étant de huit militaires morts contre au moins 12 "terroristes" tués.