mercredi 22 septembre 2010

Un président va-t-en guerre

MAURITANIE

L'armée mauritanienne livre par procuration en territoire malien une guerre contre l'AQMI au nom de la France et avec la bénédiction de Bamako. Le chef de l'Etat mauritanien, le général Aziz, cherche ainsi à venger cinq ans de violence contre son pays.

San Evariste Barro | L'Observateur Paalga


Le général Aziz sur le perron de l'Élysée, le 13 juillet dernier

e général Aziz sur le perron de l'Élysée, le 13 juillet dernier

epuis le vendredi 17 septembre, l'armée mauritanienne mène une descente punitive dans le nord-malien contre les combattants d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Ce réseau terroriste, filiale de la nébuleuse mondiale, Al-Qaida, dirigée par Oussama Ben Laden, est accusé d'être l'auteur de l'enlèvement de sept étrangers, dont 5 Français, sur le site d'extraction de l'uranium à Arlit. Les violents affrontements auxquels ont participé l'armée mauritanienne ont causé, à en croire les sources officielles, la mort de 8 soldats et d'une douzaine de rebelles islamistes. Ces combats consacrent la guerre ouverte entre Nouakchott et l'AQMI.

La France a envoyé au Niger une centaine de militaires spécialisés dans la lutte antiterrorisme ainsi que des avions de reconnaissance et de combats. Pourtant, beaucoup s'accordent à dire que les ravisseurs et leurs otages seraient déjà dans le désert malien. C'est dire que, tout comme les Mauritaniens, c'est véritablement en terre malienne que les soldats français pourront livrer bataille contre les "fous" d'Allah. Ainsi, tout doucement, la partie nord du Mali risque de devenir le théâtre d'opérations militaires, grandeur nature, où Français et Mauritaniens combattront les terroristes.

Ce qui est frappant dans tout cela, c'est l'absence de l'armée malienne sur le front. Le général-président Amadou Toumani Touré (ATT) ayant visiblement préféré ne pas engager ses hommes dans le combat. Tout se passe comme si Bamako évitait tout un corps-à-corps avec l'AQMI. N'est-ce pas ATT qui avait "capitulé" face aux pressions et aux exigences de Paris, en acceptant de libérer les islamistes qu'il avait dans ses geôles et cela en échange de la libération par AQMI du Français Pierre Camatte ?

Ce comportement de pacifiste que veut afficher le président malien pourrait pourtant se retourner contre lui et surtout contre son peuple. En effet, le fait qu'il ait autorisé la Mauritanie à attaquer les islamistes sur son territoire pourrait avoir des conséquences très fâcheuses et ce sont les populations civiles qui en payeront les pots cassés : soit en tant que victimes collatérales des combats, soit en tant que cibles délibérées des terroristes. En effet, ceux-ci pourraient se retourner contre les populations en représailles de la décision de Bamako de laisser les soldats mauritaniens leur livrer bataille.

Nouakchott a ainsi déclaré une guerre ouverte aux islamistes du désert. Des terroristes que les soldats mauritaniens ont déjà eu à affronter tout récemment dans l'épisode de l'otage Michel Germanneau. Mais on constate que les militaires n'arrivent pas à taper en plein mille. Pire, leurs pertes sont énormes. C'est dire que la suprématie militaire n'est rien à côté de la maîtrise du terrain et des réseaux d'information et de complicité. On sait quand la guerre commence mais pas quand et comment elleva prendre fin. Nouakchott a essuyé beaucoup de revers dans les combats contre l'AQMI. Ce pays pourrait vouloir en découdre de la plus belle manière qui soit avec les terroristes : les laminer. Or, dans cette perspective, les affrontements risquent de durer.

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