mardi 21 septembre 2010

La médiatisation de la menace terroriste pose question

M. Hortefeux a notamment fait part de l'existence d'une menace terroriste le 17 septembre lors d'une visite impromptue aux policiers chargés de la surveillance de la tour Eiffel.
AFP/FRED DUFOUR
M. Hortefeux a notamment fait part de l'existence d'une menace terroriste le 17 septembre lors d'une visite impromptue aux policiers chargés de la surveillance de la tour Eiffel.

Depuis le 16 septembre, date de l'enlèvement des cinq ressortissants français salariés d'Areva résidant dans le nord du Niger, il ne passe pas une journée, sans que le ministre de l'intérieur,Brice Hortefeux, n'évoque les risques d'attentat qui pèseraient sur la France. "La menace est réelle, notre vigilance est renforcée", a ainsi insisté M. Hortefeux lundi 20 septembre, alors qu'il l'avait déjà affirmé le 17 septembre lors d'une visite impromptue aux policiers chargés de la surveillance de la tour Eiffel et répété le lendemain lors d'une cérémonie aux victimes d'attentats aux Invalides.

Des informations inquiétantes auraient été signalées aux services de renseignement français par des services de renseignement de pays amis – notamment l'Algérie. La France serait sous la menace d'AQMI (Al-Qaida au Mahgreb islamique), voire une cible prioritaire de l'organisation depuis l'attaque en juillet d'un camp de djihadiste en Mauritanie à laquelle des militaires français ont participé.Fait rare, les déclarations du ministre sont relayées par celles du patron du renseignement,Bernard Squarcini, numéro un de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur)."Tous les voyants sont au rouge. Ça clignote de toutes parts", a renchéri de son côté M. Squarcini dans plusieurs journaux, dont Le Monde daté des 19 et 20 septembre.

La sécurité d'Ali Boubakeur, recteur de laGrande Mosquée de Paris, a été renforcée. Une enquête préliminaire a été ouverte au parquet de Paris quant à la présence éventuelle sur notre sol d'une femme kamikaze qui aurait projeté jeudi 16 septembre un attentat à la gare du Nord.

DÉTOURNER L'ATTENTION ?

Autant de mesures préventives qui, dans les contextes de tensions extrêmes, sont mises en œuvre dans la plus grande discrétion. Mais cette fois, l'opinion est tenue en haleine quasiment en temps réel de l'évolution du niveau de la menace au point que certains acteurs s'interrogent : faut-il alarmer la population au risque de développer un climat de psychose ? Cette entreprise ne viserait-elle pas à détourner les Français d'autres questions qui les préoccupent comme celle des retraites, tout en justifiant le renforcement des mesures de sécurité contestées par ailleurs ?

Plusieurs observateurs et hommes politiques le suggèrent. Ainsi Dominique de Villepin reproche au gouvernement "une stratégie de la tension"."Ce qui est important, c'est de prendre des mesures. Cela ne sert à rien de créer la panique un peu partout dans notre pays", a lancé l'ancien premier ministre sur les ondes de France Info, mardi 21 septembre.

Plus nuancé mais tout aussi septique quant aux discours de M. Hortefeux, le député UMP du Val-d'Oise Axel Poniatowski a demandé qu'en matière de menaces terroristes "sur le plan de la parole publique", il soit "fait preuve de modération".

Yves Bordenave