mardi 21 septembre 2010

Violente odeur de poudre au Sahara

L’enlèvement des cinq Français n’a pas encore été revendiqué, mais la piste Al-Qaida est la plus souvent invoquée. Pour débloquer la situation et les retrouver, Paris a choisi l’option militaire.

20.09.2010 | Boundi Ouoba | Le Pays


Abu Musab Abdul Wadud, le chef d'Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI)

bu Musab Abdul Wadud, le chef d'Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI)

amais un président n’a été dans une situation aussi embarrassante que celle dans laquelle se retrouve actuellement le président français, Nicolas Sarkozy. En effet, à ses déboires avec la Commission de l’Union européenne, consécutifs à la récente expulsion des Roms qui ne finit pas de faire couler beaucoup d’encre et de salive, s’ajoute désormais ce nouvel enlèvement d’otages intervenu au Niger. On peut même dire, au regard du contexte, que le président Sarkozy est dos au mur.

Dans la nuit du 15 au 16 septembre, cinq Français, un Togolais et un Malgache, travaillant pour le compte des groupes français Areva et Satom, ont été enlevés dans le nord minier du Niger, précisément dans la région d’Arlit, située à 1 000 km au nord-est de Niamey [selon plusieurs sources ils seraient désormais retenus dans le nord-est du Mali, dans une zone montagneuse du désert, adossée à l’Algérie]. Ce rapt, qui n’a pas encore été revendiqué, fait déjà des gorges chaudes. Les autorités françaises évoquent comme piste probable Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). L’enjeu est si important et l’heure si grave qu’un tel enlèvement a de quoi importuner les autorités de l’Hexagone. D’autant que, depuis le raid franco-mauritanien du 22 juillet dernier, qui avait conduit à la destruction d’une base d’AQMI et à la mort de sept combattants, l’organisation avait juré de se venger et même appelé à des “représailles” contre la France. La mort du septuagénaire humanitaire, Michel Germaneau, dans des conditions non encore élucidées, aura été un message fort que la nébuleuse avait lancé “au pays des droits de l’homme”. Alors, que feraient les autorités françaises, plus que jamais gênées aux entournures, si AQMI en venait à revendiquer ce rapt minutieusement et savamment orchestré ? La voie du dialogue, au regard des antécédents invoqués, paraît pour le moment inenvisageable, à moins que soit de nouveau fait appel aux talents du célébrissime médiateur sous-régional, Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, qui, fort de ses moyens humains et de son expertise, saura, avec la discrétion qu’on lui connaît, mener une négociation aux issues heureuses.

De toute façon, le président Sarkozy, qui avait implicitement critiqué les autorités espagnoles [qui auraient versé plusieurs millions d’euros pour la libération de deux de leurs ressortissants en août dernier], ne semble pas prêt à céder à un éventuel chantage des islamistes en payant une quelconque rançon. Pour l’heure, tout semble subodorer une option militaire ou une guerre du Sahara qui impliquerait tous les Etats de la bande sahélo-saharienne et bien entendu la France, sans oublier les Etats-Unis. Dès à présent, certains Etats de la bande sahélo-saharienne ont déployé un dispositif sécuritaire renforcé qui rappelle la période de braise à leurs frontières respectives. [Une base opérationnelle de 80 militaires, disposant notamment d’avions de reconnaissance de type Breguet-Atlantique a été mise en place le 20 septembre à Niamey.]

Même si, au Burkina Faso, on se veut rassurant en arguant jusque-là une simple volonté politique de contrer le grand banditisme qui y sévit dangereusement, en Mauritanie, on donne l’impression d’être en guerre contre Al-Qaida au Maghreb islamique, en témoigne ce nouvel accrochage entre l’armée nationale et les militants de la nébuleuse. Zone de trafics caravaniers de tout genre, le Sahara serait devenu un véritable pandémonium qui échappe apparemment à tout contrôle, puisque les Français eux-mêmes, nonobstant leurs moyens de surveillance, n’ont jusque-là pas pu localiser les auteurs de cet enlèvement crapuleux. Certains, par ailleurs, voient dans cette affaire un probable montage des Occidentaux dans l’unique dessein d’attaquer le Sahara et d’en finir avec AQMI. L’un dans l’autre, la guerre du Sahara n’aura que trop tardé. Ces individus sans foi ni loi, devenus de véritables lycanthropes [êtres humains capables de se transformer en loup] qui opèrent sous le couvert d’une idéologie pestilentielle, auront fait de la région un no man’s land.

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