mercredi 29 septembre 2010

Une option militaire des plus risquée

Ould Abdel Aziz, le chef de la junte en Mauritanie.
     Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef de la junte en Mauritanie.
La meilleure défense, c’est l’attaque”, dit-on au football. Le président de la Mauritanie, Ould Abdel Aziz, a-t-il fait sienne cette célèbre maxime, chère à certains entraîneurs pour qui le tout défensif ne peut garantir la victoire et, pis, laisse l’avantage à l’adversaire ? En s’attaquant aux combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) dans leur fief, le président a voulu faire d’une pierre plusieurs coups. Il a cherché à montrer à ces “fous d’Allah” que la Mauritanie ne se laissera plus faire, qu’elle va anticiper leurs attaques, qu’elle a les moyens de les poursuivre là où ils se trouvent et que, désormais, la guerre est ou verte. Avec tous les risques que cela com porte pour le pays, placé sous les feux de la rampe et sur la liste noire des zones où il ne fait pas bon s’aventurer. Mauvais zrig [mélange de lait de chamelle, d’eau et de sucre que l’on boit dans le désert] pour le tourisme, et surtout pour l’investissement ! Mais notre président n’est pas du genre à s’embarrasser de ce genre de détails. Rien ne le fera renoncer à sa mission d’exterminer ceux qui osent attaquer notre pays, tuer nos soldats et se faire exploser devant nos casernes. Ce que le Mali ou le Niger ont peur de faire ou ce que l’Algérie a été incapable de contrôler, nos forces armées et de sécurité l’ont fait ou tentent de le faire… 

C’est dans ce contexte qu’est intervenue la dernière attaque, qualifiée de préventive comme la précédente, d’une unité de l’armée mauritanienne contre une “katiba” d’Al-Qaida [un camp de combattants], non loin de la ville malienne de Tombouctou. Cela s’est passé le vendredi 17 septembre, en fin d’après-midi. Les combats, d’une rare violence, auraient duré toute la nuit et la matinée du lendemain. Bilan officiel : 12 tués dans les rangs d’AQMI et 6 côté mauritanien. Un bilan qui serait beaucoup plus lourd, selon une source sécuritaire algérienne qui, dès la matinée du samedi, évoquait au moins 15 morts parmi nos soldats. Mais d’où les Algériens tiennent-ils cette information ? D’Al-Qaida elle-même, que beaucoup affirment être largement infiltrée par la sécurité militaire algérienne ? Dans quel intérêt les Algériens gonflent-ils nos pertes ? Pourquoi ne nous prêtent-ils jamais main forte, alors que l’ennemi est déclaré “commun”, préférant cloîtrer leurs troupes à l’intérieur de frontières qui ne devraient pas les protéger des foudroyantes attaques terroristes, si l’on en croit les théoriciens de la guerre éclair ? 

Donner des coups, c’est s’exposer à en recevoir. Dès lors, la stratégie mauritanienne de mouvement hors des limites du territoire national apparaît bien aventureuse et d’une témérité de mauvais aloi. Ne devrions-nous pas plutôt multiplier nos efforts pour assurer des contres décisifs, sitôt que l’ennemi franchit nos frontières et, donc, une meilleure surveillance de notre espace ? Sentant le pays plus que jamais dans l’œil du cyclone, l’opinion est divisée. Le sentiment d’insécurité gagne du terrain. Combiné aux incertitudes économiques quotidiennes, il entretient de dangereuses fissures dans la confiance envers le pouvoir en place et, surtout, dans notre hypothétique unité nationale.

Ahmed Ould Cheikh | Le Calame